Lucie Sarrasin et ses participants

« Mon art-thérapeute m’amène à ouvrir mes fenêtres intérieures, qu’il y ait du beau temps ou des intempéries. »

Lucie Sarrasin, M.A., ATPQ, est art-thérapeute à la Fondation québécoise du cancer. Elle présente ici son expérience en présentiel et en ligne, accompagnée des commentaires de plusieurs participants. 

En ces temps de pandémie, l’atmosphère est morose et les temps sont incertains. La COVID 19 ajoute de l’anxiété aux personnes affrontant un cancer accompagné de traitements difficiles dans une atmosphère parfois surréelle. Cela peut ajouter de l’anxiété et des inquiétudes et il est important de trouver un endroit pour exprimer ses émotions.

Heureusement, nous pouvons offrir des moments de répit par le biais des ateliers d’art-thérapie de la Fondation québécoise du cancer. Ceux-ci permettent d’ajouter de la couleur dans la vie et de la créativité dans le quotidien. Pendant que la personne crée, elle peut mettre ses préoccupations de côté et se concentrer sur sa réalisation artistique. Pour les personnes qui expérimentent l’art-thérapie pour la première fois, c’est une nouvelle expérience où elles apprennent à s’abandonner. Je les accueille en leur disant : « Faites confiance au processus art-thérapeutique. Laissez votre main guider votre pinceau (ou votre crayon)»

Il n’est pas nécessaire d’avoir de l’expérience en art pour faire de l’art-thérapie. Nous encourageons les participants à créer sans stress de performance : « Ici, le but est de s’exprimer et de lâcher-prise. Si vous trouvez que ce que vous avez créé est très beau, c’est un bonus! ».

Parfois, le jugement envers soi-même peut être sévère. Je conseille aux participants d’être doux et bienveillants envers eux-mêmes et de laisser sortir les émotions présentes en soi. L’important n’est pas de performer, mais de s’abandonner au processus créatif.

« On ne peut que se sentir grandi(e) avec l’art-thérapie. Une activité essentielle pour se reconnecter à soi, se surprendre, s’ouvrir aux autres, s’écouter, oser et lâcher prise sur des situations sur lesquelles nous n’avons pas toujours le contrôle. Un moment de partage unique et précieux. » Émilie P.

Lorsque les participants sont en groupe, nous les invitons à observer et à exprimer comment chaque œuvre résonne en eux, plutôt que de commenter la beauté de l’œuvre ou de l’analyser. L’art-thérapeute permet de voir la création sous un autre œil, mais l’interprétation appartient à la personne qui crée.

« Mon art-thérapeute m’a fait réaliser l’importance d’accueillir ses émotions, quelles qu’elles soient, en créant. Elle est surprenante dans sa façon de voir mes créations d’une manière à laquelle je ne m’y attends pas. » Émilie P. 

C’est important aussi de respecter le rythme et les goûts de la personne et de lui permettre de partager ce qu’elle désire. « Vous ne partagez et ne dévoilez que ce que vous désirez. Il n’y a aucune obligation. »

« Mon art-thérapeute m’amène à ouvrir mes fenêtres intérieures, qu’il y ait du beau temps ou des intempéries, toujours dans une ambiance de grand respect, de bienveillance et d’écoute authentique! Mon art-thérapeute me rappelle l’importance de prendre le temps d’oser créer ma vulnérabilité afin de mieux me comprendre. » Julia P.

Dans les groupes d’art-thérapie, nous abordons toutes sortes de thèmes, certains plus légers, d’autres plus difficiles et plus délicats. Ainsi, ce n’est pas toujours facile pour la personne atteinte de cancer d’aborder par exemple, le deuil, la colère, la peur de la mort, la fatigue, ou autre sujet avec son entourage. Les participants me disent parfois qu’ils prennent soin d’eux-mêmes, mais qu’ils ont tendance à s’oublier.

Je fais alors remarquer aux participants ceci : « Avant, vous n’étiez peut-être pas sur votre liste de priorité, mais tranquillement, à travers ce temps d’arrêt imposé par la maladie, vous apprenez à l’être et parfois vous apprenez même à vous mettre en haut de la liste, car la priorité en ce moment, c’est vous! Vous allez y prendre goût! »

« Mon art-thérapeute m’a appris à formuler des demandes de façon à ne pas blesser les autres, qui ne comprennent pas toujours la réalité des personnes qui vivent avec la maladie. De plus, elle m’a appris à prendre soin de moi et à devenir ma priorité, tout en continuant de penser aux autres, mais ce, sans m’oublier, comme j’avais tendance à le faire avant. » Stéphanie C.

Les personnes atteintes de cancer trouvent parfois certains commentaires récurrents difficiles. Elles préfèreraient parler d’autres choses, mais ne savent pas toujours comment le dire à leur entourage sans blesser.

« Pour ma part le commentaire le plus utile que j’ai eu pour faire face aux autres a été de dire et d’utiliser “Sais-tu, y’a plein d’autres sujets, on peut parler d’autres choses”. C’est un bon outil de communication. » Marie-Claude B.

Le but de l’art-thérapie est d’offrir une fenêtre sur notre monde intérieur et de valider les émotions ressenties. Cela permet aussi de mettre en perspective ce qui est vécu afin de pouvoir mieux passer à travers les nombreux défis que la maladie impose. Les groupes d’art-thérapie permettent de rencontrer d’autres personnes vivant des situations semblables, ce qui fait énormément de bien et a le bienfait de valider ce que la personne ressent.

« Mon art-thérapeute me donne les outils pour exprimer mes émotions, celles qui sont difficiles à mettre en mots et qui des fois, ne s’adressent qu’à mon groupe d’art-thérapie et art-thérapeute. Ainsi, cela me permet de choisir ce que j’ai envie ou pas de partager avec mes proches. En gros, l’art-thérapie pour moi, en plus d’être un moment où je prends soin de moi, c’est un outil de vulgarisation de ce que je vis et je ressens. » Marie-Josée

Comme les personnes le mentionnent souvent, elles font face à beaucoup de situations difficiles durant ce parcours médical et le fait d’être accompagnées par le biais de l’art-thérapie leur permet d’y faire face plus facilement :

« Notre art-thérapeute est une aide précieuse pour m’aider à légitimer ce que je ressens ou vis dans ce parcours médical, et l’accompagnement particulier qu’elle apporte est précieux pour reprendre confiance dans mon introspection ou face aux différents événements qui s’enchaînent. » Christelle A.

En résumé, voici quelques phrases que j’utilise avec les participants dans le cadre de mon intervention en art-thérapie : À une personne qui dit, par exemple : « Je ne suis jamais capable de prendre ma place », je propose ceci :

« Permets-moi de recadrer ce que tu viens de dire. Parfois, c’est difficile pour toi de prendre ta place, mais tu chemines à travers ce défi-là. » 

« C’est important d’être au cœur de soi-même. »

« Acceptez votre vulnérabilité et votre fragilité. »

« Je vous invite à vous abandonner au processus de création. »

« La vie nous amène sur des chemins imprévus. Est-ce que vous saviez tout ce qu’elle mettrait sur votre chemin? Alors, pourquoi s’en faire pour demain puisque nous ne savons pas d’avance où notre chemin nous mènera? »

Les participants ont aussi leurs conseils remplis de sagesse qu’ils échangent avec les autres avec le soutien et l’accompagnement de l’art-thérapeute.

Comme le décrit l’Association des art-thérapeutes, « l’art-thérapeute joue le rôle de témoin, de guide ou de catalyseur qui assiste la personne à exprimer sa créativité et à traduire son langage créatif en pistes d’exploration significatives et en prise de conscience personnelle. »

C’est tout cela qui rend les partages si riches et l’art-thérapie si efficace!

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